Revue des médias # 2: Alternatives
Ceci ne reflète pas l'avis de Ludigaume mais uniquement celui de son auteur.
Sans doute y-a-t-il des personnes aptes à comprendre ce qui se joue actuellement et à se former un avis définitif sur la question, mais la sensation qui domine pour moi reste celle d'une accélération trop rapide pour être saisie. Chaque jour charrie son lot d'informations; les mutations en cours s'avèrent difficiles à penser, comme les enjeux de demain.
Tout juste peut-on noter que les tendances soulevées dans les dernières rubriques, comme la question du financement, se confirment (Wikipédia, Boardgamegeek, Owni et d'autres ont fait des levées de fond.) Dans le même temps, la vidéo, étrangement présentée comme étant tout à la fois cause (cela coûte cher en matériel et en bande passante) et argument (vous aurez un "plus produit") de la marchandisation du contenu, semble prendre une place de plus en plus importante dans le monde du jeu. Cette "ruée vers l'or" auquel nous assistons pourrait nous faire perdre de vue deux éléments importants. Le premier d'entre eux est que, pour excitante qu'elle soit, la télévision reste un outil difficile à manier qui, par ailleurs, génère ses propres limites; le second est qu'il existe depuis longtemps des alternatives fort convaincantes au tout-image et qu'elles sont loin d'être périmées. Voire, elles peuvent introduire une profondeur de champ que n'aura jamais la vidéo.

Malgré tout, un semblant de curiosité et d'ennui a fait qu'avec un temps de retard, alors que quelque chose de l'expérience (la promesse du direct, de l'interactivité) était déjà altéré, j'ai regardé le live de Tric Trac. Regardé... le mot est sans doute un peu exagéré. Devant les choix de mise en scène (ce blanc! cette fenêtre skype! ces plans! ces inserts!) qui m'étaient assez insupportables, je l'ai finalement assez vite écouté comme un podcast, en préparant un article à coté. C'était largement plus supportable ainsi. Cela permettait de se consacrer sur le fond qui, ma foi, si l'on excepte la fin abrupte, complètement ratée, ainsi que les private jokes pénibles et les rires nerveux qui parsèment le tout, était plutôt intéressant. Une question demeure cependant: qu'apporte l'image au discours dans ce cas ?
Les podcasts constituent un exercice qui me fascine. Dans le monde ludique, ils sont très nombreux. Dernièrement, l'un des plus intéressants que j'ai eu le loisir d'entendre fut celui de Ludology . Ma faible maîtrise de l'anglais m'empêche d'apprécier pleinement, mais j'en comprend suffisamment pour réaliser à quel point les podcasts américains ont, en règle générale, une approche critique et analytique bien plus fouillée et originale que leurs homologues francophones. Mais je serais ravi qu'on me démontre le contraire. Comme pour les tentatives de faire de la télévision sur les jeux, l'impression domine qu'ils ont une longueur d'avance.


Le magazine, plus ou moins marquant selon ce qu'il prend comme objet, propose toujours des choses de qualité. Reste que, comme d'autres, il se trouve confronté à des problèmes liés à sa nature. Premièrement, la lecture sur écran -- est-ce différent sur tablette ? -- fait que l'on passe un peu vite, que d'emblée l'on n'accorde pas la même attention qu'à un format papier. Quant à la proposition de l'imprimer... Cela constitue vraiment la limite ontologique des publications PDF. Qu'elles empruntent la forme séduisante d'un magazine papier n'y change pas grand chose au fond, ou si peu. Aussi, quand le magazine propose à ses lecteurs de payer une somme modique pour soutenir l'initiative, cette contradiction n'en devient que plus apparente. Alors que la somme qu'ils demandent (1,50 euros) est moindre que mon quotidien national, et bien moindre que nombre de magazines auxquels je suis fidèle, je m'étonne de ressentir des réticences à payer. La qualité de l'ouvrage n'est pas en cause, puisque, comme annoncé plus haut, je le trouve vraiment bien fait, cela est plus lié sa nature. Avoir ou ne pas avoir d'objet physique à tenir entre les mains reste un levier important pour moi. Mais c'est sans doute une affaire de génération avant que ces vieux verrous ne sautent. Après tout, les livres, les jeux, les revues professionnelles, furent facilement dématérialisés et vendus comme tels avec une facilité étonnante.

Néanmoins, deux coup d'éclats récents ont réinscrit ce site sur la carte des lieux à visiter régulièrement. D'abord ce complet hors-sujet consacré à l'enseignement puis un article qui suivit de peu consacré aux cartes dans les jeux de société. Loin de l'indifférence que provoquent en moi nombre de productions issues du web ludique, ces deux articles m'ont remué. Plusieurs sensations se mêlaient là: l'intérêt profond, le désaccord, l'admiration, l'envie d'en découdre, et... la jalousie. L'article sur les cartes, par exemple, comment le dire autrement... "j'en rêvais, Faidutti l'a fait"...et beaucoup mieux que je n'aurais pu imaginer le faire moi-même. Il évite d'ailleurs, en grande partie en tout cas, les deux écueils de l'exercice: "l'effet catalogue" et le "propos abscons". Sur son Facebook, il a annoncé l'article en disant (je cite de mémoire): "j'aurais pu continuer longtemps, mais il faut bien s'arrêter un jour." C'est vrai. Sans doute, d'ailleurs, aurait-il du arrêter cet article avant. Ou le faire en deux parties. On touche là sans aucun doute à la limite de l'exercice. La coupe, le montage, la scansion: internet nous contraint. Toujours est-il que je suis jaloux comme au premier jour. Si je puis dire. Pour qui s'intéresserait à ces histoires de cartes, deux liens peuvent peut-être vous amuser si vous ne les connaissez déjà. Premièrement, pour en revenir à Serge Daney, voir dans cet extrait de Itinéraire d'un cinéfils ce qu'il dit des cartes et de l'image. C'est un point d'entrée comme un autre. Autre ouverture très intéressante, l'amusant article de Pierre Jourde, qui détonne quelque peu par rapport à ses productions habituelles. C'est tout pour cette fois.
jb
Posté le 17 décembre 2012 17:13Je ne connaissais pas Whiteflag, et j'avais laissé tomber la radio des jeux... merci Damien !
Je commence à comprendre ce que tu entendais par "revue des médias", c'est sympa en fait... mais faut avoir pas mal de temps devant soi !!
Il existe plein de manières de traiter du jeux de société, c'est l'idéal, comme ça chacun y trouve son compte ! Vive la diversité !
(HS : je te propose les titres de tes prochains articles : Fascination, Tentation, Hésitation, Révélation... ah non ça c'est déjà pris !)